Le retour de l'escargot (2/4)

Sur les roues gigantesques (surtout pour un escargot), bien ancrées dans le sol, des inscriptions en grosses lettres blanches brillaient au soleil, tatouages impressionnants pour bikers professionnels : « Defender SRX+4, radial 505 ».
Respect !
Je restai un long moment en contemplation, me demandant comment j’allais grimper sur cet engin sans me faire remarquer, quand soudain les deux occupantes arrivèrent, prêtes à prendre la route. Un spectacle, ces deux routardes. La pilote portait un short blanc très court, des chaussures à talons aiguilles noires et cloutées, un bustier en cuir faisant bien ressortir sa poitrine généreuse (comme disait Pierre Dac : « La poitrine et le derrière sont les pare-chocs de l’amour »), deux poignets en cuir et sur la tête un casque noir à visière transparente décoré d’une tête de mort. Impressionnante, la dame.
Sa copine était plus classique : jupe courte et petit haut noir en crochet. D’un banal. Heureusement, elle était chaussée de jolies bottines tigrées noir sur fond bleu ciel et son casque était rose avec une visière blanche, joliment assorti au fuchsia de la carrosserie.
Je n’avais qu’une envie, partir avec elles sans savoir où elles me mèneraient. J’arrivai à me hisser péniblement sur le marchepied arrière et n’eus que le temps de me ventouser au siège en cuir avant que le ronronnement du moteur emporte la lourde cylindrée sur les routes sinueuses du Massif central.
Un régal, ce voyage au pays de la fourme d’Ambert, du Laguiole et du Cantal, qui nous mena jusqu’à Nevers où je quittai mes deux bikeuses, qui avaient remisé leur rutilant véhicule dans un garage des bords de Loire.

Puisque l’occasion m’était donnée, je décidai de rendre visite à mes cousins de Bourgogne, les Helix Pomatia, hébergés par un maraîcher à la Baratte, petit hameau situé à l’entrée de Nevers.
J’y passai quelques jours tranquilles entre laitues et batavias, bavant devant des scaroles magnifiques et caracolant au-dessus de prometteurs radis roses qui me rappelaient le casque de moto que j’aurais bien emporté si je n’avais pas été un gastéropode.

Après une semaine de farniente chez les cousins de Bourgogne, je décidai de reprendre la route qui me ramènerait bien un jour à la maison.
Avançant à la vitesse de l’escargot sur des chemins de traverse, et sans savoir comment j’allais m’y prendre pour quitter ce train de sénateur, j’arrivai dans un village au son d’une fanfare qui semblait provenir d’un champ en contrebas d’une rivière.
Braquant mes tentacules dans cette direction, mes épithéliums olfactifs (pour ne pas dire mes deux nez) ramenèrent jusqu’à moi une douce odeur de barbe à papa ! Je décidai d’aller y voir de plus près. (à suivre)

Texte : Joëlle Olivier
Illustration : Digitalstudio sur depositphotos.com

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