Une image et des mots (01)

Image : Joëlle Olivier
Texte : Danièle Momont

01. Parasol du matin
Téter tâter dans le petit jour un tétin,
Tâter l’aube à deux mains sans souci de satin,
Téter parasol aréole et puis : patin,
Tâter, diamantin, le point du jour enfantin,
Téter tété, le flatter — baratin ? tintin,
Tâter du téton mirliton : faire un huitain,
Téter tâter un tétin au petit matin.

02. Parasol de la journée
La mer marine frissonne
au soleil comme une cotte,
un givre,
et l’on se réjouit de ce séjour à nuages qui sont ici si beaux,
ceux qu’on voit par exemple
au retour d’un tour autour
du bassin
de Thau,
tandis que l’auto
roule sur le Lido
(on attendait un ruban mince,
un cordon, quelque chose étroit au point que la mer à droite,
marine et sous le plein soleil givrée,
aurait liché
deux roues
— l’étang à main gauche attouchant les deux autres —,
au lieu de quoi c’est large),
et les nuages,
plomb sur Thau et sur la mer au contraire crémeux, mousseux, fouettés, sucrés,
montés en neige,
ardents,
et les goélands,
amenuisés en points, passant
des uns aux autres (les nuages), paraissent, si piquant
vers le zinc depuis ceux qui ardent,
des esquilles, des tessons vifs,
les mêmes pourtant
que ceux qu’on croise à terre par les rues ou les digues,
entre les parasols,
et qui là au contraire sont gros,
de gros à gros
jabots neigeux et cou court (mousseux, fouettés, sucrés) et qu’on voit
s’enhardir chez les hommes,
et qui mangent
le ciel du port,
à cris et puis à corps,
au départ, à l’arrivée des bateaux.

03. Parasol du soir
Plage,
on range les affaires
de plage,
l’eau meurt au bord,
quelques gens encore,
mais c’est l’assiduité
raréfiée,
les rocs entassés
ont noirci — charbonneux, mâchurés —,
la mer meurt avec son menu enroulage comme d’un bras de Vénus,
une nageuse brasse comme dans de l’huile,
l’huile, ludion, elle la fend,
comme font
tous nageurs de brasse appliqués et habiles,
puis c’est le soir
(né très loin sur la mer
à certaine heure quand
on regagne la ville
parmi les griffes
de sorcière (parasol agriffé, sac au dos))
tombant sur le Môle,
le soir ensaqué comme un vaste nuage affalé,
vautré,
prélassé sur le mont Saint-Clair,
large, large et s’épandant sur le mont baleine
(le mont cétacé)
tel qu’une baudroie
or et rose,
quasi fuchsia,
virant au gris à condition de passer
d’abord par le lilas, l’évêque et le vineux,
à mesure qu’on regagne le bruit des moteurs, l’éclat des néons, les petits verres de Picpoul.

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